07/07/2020
Le Comité de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques a tenu le 6 juillet sa onzième réunion au siège de Bank Al-Maghrib (BAM) à Rabat.
Lors de cette réunion, il a approuvé le rapport sur la stabilité financière au titre de lâexercice 2019 et son supplément dédié à lâanalyse préliminaire de lâimpact de la crise du Covid-19 sur le secteur financier national. Il a également examiné les risques systémiques pesant sur le système financier dans le contexte actuel, analysé lâétat dâavancement de la feuille de route inter-autorités en matière de stabilité financière 2019-2021 et passé en revue les conclusions des réunions de concertation hebdomadaires des représentants du Comité tenues depuis le début de la crise sanitaire ainsi que les indicateurs de suivi qui nâont pas jusquâici révélé dâinquiétudes particulières sur la stabilité financière.
Ceci étant, lâampleur de la récession économique découlant de la pandémie du Covid-19 à la fois sur le plan national et international ne manquera pas dâimpacter les performances du système financier marocain. Dans ce contexte exceptionnel entouré de fortes incertitudes, lâanalyse de la situation du système financier au regard des tendances économiques et financières, observées et attendues, a permis au Comité de dégager les principaux constats suivants :
- Malgré les évolutions globalement modérées en 2019, les risques macroéconomiques devraient sâaggraver en 2020, sous lâeffet du choc pandémique dont les répercussions vont indéniablement détériorer les conditions macroéconomiques en 2020 avant dâentamer progressivement une reprise à compter de 2021. Au niveau international, la conjoncture déjà fragilisée en 2019 par une croissance mondiale en berne, sera ébranlée en 2020 par une récession économique inédite et un affaiblissement de la situation financière et budgétaire des principales économies développées et émergentes. Au niveau national, la croissance, doublement affaiblie en 2020 par les effets de la sécheresse et par lâarrêt total ou partiel de lâactivité dans plusieurs secteurs du fait de la pandémie, devrait se contracter à -5,2% dans le cadre dâun scénario de reprise en « V ». Concernant les comptes extérieurs, le déficit du compte courant, après son raffermissement de 1,2 point de PIB en 2019, devrait se creuser fortement en 2020 à 10,3% du PIB avant de sâaméliorer partiellement en 2021 à 5,8% grâce notamment à la mobilisation des financements extérieurs et la reprise rapide prévue en 2021. Les avoirs officiels de réserve qui se sont améliorés en 2019 à 253,4 milliards de dirhams assurant une couverture de 6 mois et 8 jours dâimportations de biens et services, devraient baisser sur lâhorizon de prévision. Leur niveau permettrait, toutefois, de couvrir autour de 5 mois dâimportations aussi bien en 2020 quâen 2021. Sâagissant des finances publiques, le déficit budgétaire devrait se creuser à 7,6% en 2020 avant de sâatténuer à 5% en 2021, et se traduire par une augmentation de la dette du Trésor qui devrait atteindre 75,3% du PIB puis 75,4% en 2020 et 2021 respectivement.
- Les concours bancaires en faveur des entreprises non financières (ENF) ont repris en 2019 avec une hausse de 5,4% après un ralentissement en 2018 de 1,2%, tirée principalement par les entreprises privées. Ces dernières ont vu le rythme de leurs prêts sâaccélérer encore à fin avril 2020 à près de 10%. Le taux de défaut des ENF sâest maintenu autour de 10%, niveau déjà élevé et qui risque de sâaggraver en raison de la montée des risques liés à la pandémie.
- En dépit dâun ralentissement manifeste de lâactivité prévue en 2020, lâévolution du crédit au secteur non financier resterait positive, avec une croissance de 1,9% en 2020 et de 2,6% en 2021, à la faveur des différentes actions dâappui à la relance économique et aux mesures dâassouplissement de la banque centrale. A cet effet, au plan de la politique monétaire, Bank Al-Maghrib a particulièrement procédé à deux réductions du taux directeur de 2,25% à 2% en mars puis à 1,50% en juin 2020 et à la libération intégrale du compte de réserve au profit des banques. Dans le même sens, elle a activé lâensemble des instruments de refinancement disponibles en dirhams et en devises et a étendu la liste des actifs admis en contrepartie des refinancements accordés aux banques. Concomitamment, elle a renforcé son programme de refinancement spécifique au profit de la TPME, en y intégrant, en sus des crédits dâinvestissement, les crédits de trésorerie et en augmentant la fréquence des opérations de refinancement. Au plan prudentiel et afin dâaugmenter davantage la capacité des banques de financer lâéconomie, Bank Al-Maghrib a allégé temporairement certaines exigences en vigueur.
- Lâétude que réalise annuellement Bank Al-Maghrib depuis 2013 sur les délais de paiement inter-entreprises a porté cette fois-ci sur un échantillon de près 70.800 entreprises non financières dont les données disponibles concernant lâexercice 2018, ont été fiabilisées. Elle fait ressortir que les délais de paiement des créances inter-entreprises se sont allongés de façon sensible particulièrement pour les TPE avec des délais de règlement clients passant pour cette catégorie, dâune année à lâautre, de 107 jours de chiffre d'affaires à 157 jours en moyenne, et quelques secteurs dâactivité. Cette situation risque dâêtre exacerbée en conséquence de la crise pandémique. Les autorités publiques et le secteur privé sont appelés aujourdâhui plus que jamais à capitaliser sur les mesures déjà entreprises et à consentir à plus dâefforts pour faire face à cette problématique.
- Dans un environnement porteur de risques, les banques continuent dâafficher des fondamentaux solides au regard des indicateurs et ratios de liquidité, de rentabilité et dâadéquation des fonds propres. Le secteur bancaire a ainsi dégagé en 2019 un ratio moyen de solvabilité, sur base sociale, de 15,6% et un ratio moyen de fonds propres de catégorie 1 de 11,5%, largement supérieurs aux minimas réglementaires de 12% et 9% respectivement. Le risque de concentration sur les grands débiteurs auquel sont exposées les banques continue, dans le contexte de crise sanitaire actuelle, de faire lâobjet dâun suivi particulier. Lâexercice de macro stress test effectué par Bank Al-Maghrib en juin 2020 fait ressortir à cette date la résilience des banques au choc induit par la crise du Covid-19.
- Le secteur des assurances continue, dans lâensemble, de montrer des signes de solidité dans ses branches vie et non vie. Le volume global des primes a atteint en 2019, 44,9 milliards de dirhams en progression de 8,5%. Les résultats nets ont augmenté, de 6% sous lâeffet de lâamélioration de la marge dâexploitation et du solde financier. Le rendement des capitaux (ROE) se maintient à un niveau appréciable à 9,6%. Quant aux plus-values latentes, elles ont enregistré une augmentation de 24,2% en lien essentiellement avec la performance du marché boursier conjuguée à une baisse des taux. Au niveau prudentiel, les exigences réglementaires en matière de couverture des provisions techniques par les placements sont respectées. Par ailleurs, le secteur continue de dégager une marge de solvabilité largement supérieure au minimum réglementaire exigé. Ne couvrant que le risque de souscription, ces excédents de marge devraient sâinscrire à la baisse avec le passage vers un régime prudentiel de solvabilité basée sur les risques.
Enfin, les exercices de stress tests réalisés en mars 2020 ont fait ressortir à cette date la résilience des entreprises dâassurances aux chocs sur le portefeuille actions et immobilier ainsi que ceux résultant de conditions macroéconomiques et techniques défavorables, notamment celles en lien avec la pandémie Covid-19. - En ce qui concerne les régimes de retraite, la sous-tarification des droits acquis dans le cadre de la branche long-terme de la CNSS et du régime général du RCAR conduit à une forte accumulation des dettes implicites (engagements non couverts) des deux régimes. Du côté du régime des pensions civiles géré par la CMR, sa réforme paramétrique en 2016 a permis dâéquilibrer sa tarification au titre des droits acquis après 2017. Toutefois, le cumul significatif des engagements du régime au titre des droits acquis avant la réforme menace sa pérennité.
- Le marché des capitaux a été marqué au cours de ce premier semestre par les tensions sur le marché boursier causées par les effets de la pandémie Covid-19 et ce, à lâinstar des marchés boursiers internationaux. En effet, la Bourse de Casablanca a subi une chute de 28,14% entre le 21 février et le 18 mars 2020, accompagnée dâune volatilité élevée et une volumétrie importante. Cette chute a néanmoins été suivie par une phase de reprise partielle ramenant la contreperformance annuelle à -16,9% au 26 juin 2020 contre -26,15% au 18 mars 2020. En dépit de la baisse enregistrée, la valorisation globale de la Bourse reste élevée à 19,7x. Dans ce contexte, la liquidité ressort en progression de 11,5% en mai 2020 contre 7,3% en mai 2019. Après des hausses de 11% en 2018 et de 15% en 2019, lâencours de la dette privée à fin avril 2020 sâélève à 224 milliards de dirhams en léger recul de 2,6%. Il sert à hauteur de 66% au financement des établissements de crédit. Lâindustrie des OPCVM sâest montrée résiliente face à la crise actuelle. Lâactif net des OPCVM à fin mai 2020 est au même niveau quâà fin 2019, soit 471 milliards de dirhams et ce, malgré des mouvements de rachats induits par lâévolution défavorable du marché boursier, les craintes des investisseurs concernant les perspectives de lâéconomie nationale, et la mobilisation par des investisseurs institutionnels des liquidités nécessaires à leurs contributions au fonds de solidarité Covid-19. Concernant le risque opérationnel des entreprises de marché (Bourse de Casablanca et le Dépositaire Central), en particulier durant la période de confinement, il a été bien maîtrisé grâce au déploiement réussi des plans de continuité dâactivité.
- Afin de mieux identifier les risques auxquels sont exposés les OPCVM et anticiper les évènements futurs susceptibles de les impacter, les sociétés de gestion ont mené un premier exercice de stress test qui a principalement porté sur lâévaluation de la capacité des fonds à honorer les demandes de rachats reçues dans un contexte de tensions, en tenant compte de la liquidité des actifs des fonds. Les résultats de ce premier stress test réalisé au cours du mois de mai 2020 ont mis en lumière un risque de liquidité et un risque de crédit maîtrisés, ainsi quâune capacité notable à honorer les demandes de rachat reçues, conséquences de stratégies dâinvestissement globalement prudentes et dâexpositions conservatrices.
Le Comité a, par ailleurs, examiné et validé la nouvelle feuille de route du secteur financier en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Cette feuille de route vise à consolider lâensemble des actions préconisées notamment par le GAFI et à sâassurer de leur mise en oeuvre dans les délais impartis.
Le Comité continuera de suivre de près lâévolution de la situation et a décidé, à cet effet, de maintenir les réunions hebdomadaires de ses représentants.